ECRITURES

Dans le dédale de mes fantasmes, je rêvais la nuit à nos futurs  ébats érotiques.  Hélas ! Le songe érotique de mes nuits s’évaporait au petit matin ou bien s’achevait brusquement par un réveil intempestif contre le corps de mon mari qui ronflait ! Rien de sensuel dans cette forte respiration qui me réveillait.

À chaque instant, mes pensées caracolaient vers le fruit de mon espoir.

Lors de mes rencontres avec l’objet de ma convoitise, mon être devenait bizarre. Mon visage s’empourprait. S’apercevait-il de mon émoi ? Je ne croyais pas. Il restait lointain, pas indifférent, car son regard, bien souvent, se posait sur mes formes. Ma poitrine ne le laissait pas de marbre. Ses yeux sur ma gorge s’attardaient. Il devait imaginer celle-ci nue, mes seins à l’air dressés devant son visage. Devinait-il mes deux mamelles bien fermes aux aréoles violacées, les tétins en érections qui appelaient aux caresses ? Puis son regard descendait vers le bas, là où le V symbolise la source du plaisir à venir. Il me déshabillait dans sa tête. Il admirait ma toison. Découvrait-il sa couleur ou bien imaginait-il l’entrée de ma porte intime qui s’ouvrait ? J’observais sa bouche s’entrouvrir, sa langue humecter ses lèvres. Au plaisir de la langue, goûtait-il, par avance, aux saveurs des miennes, je veux parler de celles qui cachent entre les jambes : le vestibule des amants ? Il me troublait. Sa présence tourmentait mon âme. Je m’efforçais au calme.

Chacune de nos entrevues me procurait à la fois joie et torture. Tout mon être espérait qu’un jour il me serre dans ses bras. J’imaginais sa frénésie. Il arracherait mes vêtements. Il détaillerait ma nudité. Ses mains palperaient ma poitrine, ma vulve, des doigts fureteurs s’enfonceraient dans ma fente. Il ôterait ses vêtements, mettrait à nue sa virilité. Je pourrai voir son organe par l’appétit assoiffé.

Avec mon mari l’amour conjugal rimait avec un acte frugal. Sa pudeur lui interdisait toute fantaisie. Je ne l’avais jamais vu nu intégralement. Jamais sa bouche n’était descendue vers mon jardin afin que sa langue officie d’un cunnilingus et titille mon bouton d’amour pour faire épanouir la fleur ! Il se contentait du devoir des braves ! Je faisais pourtant des efforts. Je m’effeuillais devant lui. Dans ces circonstances il me regardait, mais cela lui paraissait puéril. Moraliste, trop attaché à des valeurs surannées il restait bloqué. Le poids d’une éducation religieuse pesait sur sa libido. Ce n’est pas lui qui me tromperait ! Moi, j’aimerais  sauter le pas, franchir le Rubicon. L’adultère : ce mot ne m’intimidait plus. Après tout le mariage est une contrainte des corps et la fidélité une grande hypocrite. Nous nous étions connus à l’île de la Réunion. Native de ce coin de terre au milieu de l’océan, lui venait de métropole. Il effectuait son temps
d’armée. Nous avions fait connaissance. Notre jeunesse avait fait le reste. Au fond de moi mes sentiments n’allaient pas loin. Je voulais quitter mon île, partir vers la métropole. Paris tel un aimant m’attirait. Ce mariage ressemblait plus à une délivrance qu’à un amour profond. Je n’avais pas de travail à l’époque. La Réunion n’offre que peut d’espoir à sa jeunesse hormis la fuite à n’importe quel prix vers la métropole. Aujourd’hui à près de quarante ans je plaisais aux mâles. Je désirais, avant que ne fanent les roses, connaître de nouveaux jardiniers.

Je me préparais à cette quête espérée du bonheur charnel. Un jour, je franchirai le pas. Qu’importe les conventions, les lois, le qu’en-dira-t-on, le plaisir est sans frontière. Je laisserai parler ma sensualité, au diable les conséquences ! J’envisageais sérieusement le divorce. La vie est trop éphémère pour s’enfermer dans le cocon d’une moralité imposée par des dogmes. Je voulais exploser ma cage, m’envoler, laisser parler ma sensualité. Je m’offrirai à lui. J’ouvrirai l’âtre de ma cheminée. Il introduira sa bûche. Nous nous consumerons dans le feu de l’amour. En y pensant montait une chaleur qui martyrisait mon corps. Comment le préparer à cette éventualité, lui faire comprendre ? J’étais aimante, prête à devenir sa maîtresse à me plier à ses besoins, mais lui ? Il était célibataire, sans attache. Cela ne devra pas le déranger. Nous nous connaissions depuis plusieurs années. Une certaine amitié et connivence nous liaient.  Le seul bémol résidait dans le fait que nous nous voyons dans le cadre d’une association. Nous n’étions jamais en tête à tête. Il me fallait prétexter une visite chez lui à l’improviste. Je décidais de brusquer les choses, de prendre l’affaire en main.

Lorsque mon époux vaquait à ses occupations, mes mains devenaient les siennes. Elles frôlaient le Mont de Vénus, chatouillaient la toison, se posaient sur ma chatte humide du désir. Des doigts fébriles s’enfonçaient dans le conduit ouaté, tournicotaient jusqu’au plaisir qui se transformait en cris. Je sentais son sexe me posséder, glisser le bulletin de vote dans l’urne comme on dit chez moi sur mon île.

Ce fut un jour de printemps quand la sève monte aux arbres pour de nouvelles moissons que j’osai. Mon mari s’absentait pour plusieurs jours. Il se rendait auprès de sa vieille mère. Je retrouvais cette liberté qui, au plus profond de moi, ne m’avait jamais quitté.

Ma chimère logeait dans la capitale. Je me rendais chez lui à l’improviste. Ma fébrilité grandissait. Mon cœur battait fort,  pareil à la jouvencelle qui partait à la découverte de l’inconnu. Lorsque j’entrais dans son immeuble, je paniquais devant l’audace de ma décision. L’ascenseur en panne, je montais quatre à quatre les escaliers des trois étages me séparant de l’objet de mes convoitises. J’étais court vêtu, laissant mes cuisses galbées en évidence. Sans soutien-gorge, mon chemisier cachait tout juste les deux seins qui ballotaient sous mes pas. J’avais poussé l’extrême en ne mettant pas de petite culotte. Je ne me reconnaissais plus. Je pénétrais dans un autre monde, celui de la volupté, de la convoitise. Arrivé sur la porte du palier je me ressaisissais. Il me fallait reprendre mon souffle. J’avais peaufiné le scénario. Lorsqu’il me ferait pénétrer dans son appartement, je déboutonnerais un peu plus le chemisier. L’échancrure ainsi dégagée lui offrirait une vue sur ma gorge. Il en perdrait les pédales. Ses yeux se dessilleraient. Il suffoquerait. Sa bouche s’ouvrirait pour aspirer l’air. C’est alors que dans un geste de soumission, je soulèverai ma jupe lui laissant admirer l’origine du monde. Il ne pourra pas résister. Devant ce tableau du maître, il défaillira !

J’étais en extase. Je voyais déjà nos ébats, nos vêtements jetés à la hâte. Je sentais sa langue lécher mon intimité, mes nymphes quémandeuses. Ma bouche se saisirait de son membre en érection. Je goûterai Priape, j’enfoncerais ma bouche jusqu’à avaler son organe. Je n’en pouvais plus. Mon visage cramoisi implorait le désir.

D’un doigt fébrile, j’appuyai sur la sonnette d’entrée. Quelques secondes plus tard, je sentis une présence derrière le judas. Il m’observait. Ma venue devait l’interloquer. Sa vision de mon corps, de mes cuisses le mettait en transe. Il salivait le spectacle offert.

La clef tourna dans le pêne. L’huis s’ouvrit.

Une femme se tenait dans l’ouverture : belle, élancée, jeune.

-         Oui ! Dit-elle, c’est pour quoi ?

-         Je bafouillai, réussis à demander s’il était là.

-         Il est dans son bain. Vous voulez le voir ?

-         Non ! Simplement lui dire que je ne serai pas présent à la prochaine réunion. Comme j’étais de passage, j’en profite.

-         Vous voulez rentrer et l’attendre ?

-         Non ! Je vous remercie, j’ai des courses à effectuer. Excusez-moi.

Je m’éclipsais, confuse, comme une gamine à qui on retire un jouet. Il ne vivait pas seul. Je m’étais fourvoyé sur toute la ligne. Mes fantasmes venaient de s’envoler, la réalité de me frapper en pleine figure. Je redescendais les marches à toute vitesse, refermais mon chemisier. Dehors je reprenais contenance et priait dieu que le vent qui se levait ne soulève mon jupon et n’offre ma nudité aux passants. Je jurais de ne plus jamais le revoir. Je donnerais ma démission de l’association..