ECRITURES

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HASSAN et LEILA

 

 

Il était une fois, dans une des grandes tours de béton gris et froid de la ville de Nanterre, un jeune garçon qui rêvait d’un grand amour ! Mais Hassan, c’est son prénom, intimidé n’osait déclarer sa flamme à la jeune Leila qui, dans un immeuble voisin, vivait avec sa grand-mère. La vieille, toute ridée, fanée comme des fleurs sans eau, lui faisait peur !

Depuis quelque temps déjà, elle avait compris l’amour du jeune prétendant pour sa petite-fille. Quand ils se rencontraient, l’ancêtre lui jetait des regards méchants !  Il faut dire que Hassan était enchanté quand son regard croisait Leila, cette jeune et douce promise. Ses yeux brillaient, ses jambes devenaient cotonneuses, ses joues rougissaient…

La fille, comme toutes les filles amoureuses, faisait semblant ne pas comprendre. Elle jouait l’indifférente. En secret pourtant, elle espérait la venue du prince charmant qui la délivrerait de la solitude et la couvrirait d’un manteau d’amour !

Et ce prince charmant ressemblait comme deux gouttes d’eau à Hassan !

Alors son cœur battait bien fort lorsqu’elle rencontrait Hassan. Oui, mais grand-mère, le voile sur les cheveux, le regard sévère, ne badinait pas. Certains camarades du jeune garçon disaient même que c’était une sorcière venue de son lointain pays, d’où elle avait été chassée par des bonnes fées, mécontentes de son comportement et de sa méchanceté.

Oh ! Qu’elle était laide cette vieille revêche avec ses excroissances, ses verrues sur la figure, ses joues ravinées, sa bouche déformée aux dents jaunes et écartées. Ses yeux glaçaient  le plus courageux : deux globes immobiles qui vous fixaient sans vous voir ! Elle semblait pétrie de malveillance ! Hassan n’était pas rassuré quand il  rencontrait celle-ci. Il aurait bien aimé pouvoir parler à Leila mais la présence de l’aïeule le bloquait.

Pourtant, un jour de printemps, Leila se retrouva seule une fin de semaine. L’occasion était rêvée pour Hassan, le Dieu des amoureux  avait écarté la mégère et laissé la place libre…

Alors prenant son courage à deux mains, Hassan, l’impétrant, fila voir sa dulcinée.   Il dévala  l’escalier de l’HLM et courut vers le centre commercial où il savait retrouver Leila. Il bondissait, Hassan, il sautait les barrières tel un champion d’athlétisme ! Il était comme sur un tapis volant qui l’aurait emporté vers la belle, l’inaccessible Leila !

Ah ! Vous auriez vu ses yeux lorsqu’il aperçut  sa bien-aimée ! Je devrais dire leurs yeux, car ceux, marrons d’Hassan et ceux, bleus de Leila, devenaient lumière ! Ces deux-là, visiblement, attendaient ce moment depuis si longtemps qu’ils ne savaient plus quoi se dire ! Les mots, les sons ne pouvaient plus sortir de leurs bouches. D’ailleurs à quoi auraient-ils pu servir, ces mots, quand ils joignirent leurs lèvres pour un baiser plein de promesses…

La journée ne fut qu'étreintes, caresses, et, quand le soir arriva, enflammés par l’ivresse de l’amour, ils pénétrèrent dans la chambre d’Hassan.

Le père du jeune homme travaillait de nuit : le champ était libre ; le bonheur était complet. Plus de père, plus de vieille sorcière : la liberté grisa nos deux tourtereaux.

Leurs corps juvéniles, gorgés de désir, ne se continrent pas longtemps…

Hassan et Leila oublièrent tout, découvrirent l’inconnu, osèrent les gestes les plus audacieux. Leur soif de découverte était si forte que la nuit fut bien courte pour parcourir les chemins de la félicité !

Longtemps après, Hassan s'assoupit dans les bras de Leila : deux corps comblés par la jouissance qui, semblable à l’oasis du désert, abreuve la terre aride, redonne la vie, épanouit les fleurs et les cœurs…

Hassan dormait comme un bienheureux. Ses songes l’emportaient sur un océan de vagues soyeuses,  vers des ’îles enchanteresses. La chaleur du corps serré contre le sien l’engourdissait.

Soudain, cette chaleur faiblit, sensiblement. Hassan eut un frisson et se réveilla. Il n’y voyait rien dans la nuit noire. Il sentit Leila remuer, ce qui suffit à revigorer sa virilité. Il voulut voir la jeune fille. Il tâtonna de la main droite sur le mur, à la recherche de l’interrupteur, tandis que, de la main gauche, il caressait le ventre de  Leila. La lumière inonda la chambre et Hassan cligna des yeux, en se tourna vers sa conquête. Il poussa un hurlement épouvantable qui fit vibrer  les murs et la fenêtre de la chambre ! Un cri d’effroi qui réveilla les voisins. Un peu partout, des lumières apparurent. Hassan, les yeux exorbités, tremblait de tout son corps : ses mâchoires s’entrechoquèrent, son cœur s’emballa : ce n’était pas Leila  qui était avec lui, mais la vieille sorcière !

L’horreur le submergea. Il voulut fuir, mais la vieille, de ses bras malingres et déformés, le retenait. Elle voulut l’attirer contre elle, happer son sexe, s’accoupler une fois encore. Elle riait avec un  bruit de crécelle. Son corps était hideux : ses seins flasques tombaient de son buste à la peau velue et distendue. Hassan se débattit comme un jeune fauve, pour s’enfuir quand la main droite de la vieille, une main déformée et calleuse, s’empara de sa virilité dressée. Hassan poussa un nouveau cri et sombra, inconscient.

Lorsqu’il reprit conscience, on l’agitait rudement. La fenêtre était grande ouverte ; son lit était un champ de bataille.

C’était son père qui le secouait et l’apostrophait : «  Dis, mon gars, tu as eu un sacré cauchemar cette nuit. Va prendre une douche pour te remettre les idées en place ; il est bientôt l’heure d’aller au collège. »

Lorsque Hassan fut remis de ses émotions, que sa chambre fut rangée et que les draps souillés furent enfouis dans la machine à laver, honteux, il rejoignit  son père pour le petit déjeuner. Ce dernier, un peu embarrassé, lui dit : « tu sais, Hassan, tous les hommes rêvent d’amour, la nuit, au creux des draps. Ce n’est pas un crime ; c’est humain. Quand même, cette Leila doit être belle comme une princesse ; tu n’as pas cessé de murmurer son nom tandis que je t’écoutais ! Quant à la vieille sorcière, je me demande ce qu’elle faisait là ! »



28/03/2015
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