ECRITURES

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LA GRANDE DÉSOLATION

 

 

Il y a très longtemps, une planète du système solaire s’était retrouvée dévastée par la folie de ses habitants.

Les paysages avaient disparu pour laisser place à une planète désertique. La pollution avait percé la couche d’ozone. Le soleil, astre de vie, qui naguère réchauffait les hommes, était devenu un tueur. Ses rayons abattaient tous les êtres : hommes et bêtes et brûlaient la végétation. L’eau des rivières des océans s’évaporait. Des maladies avaient décimé les vivants, fait disparaître la plupart des animaux et végétaux qui vivaient sur le sol.

La désolation s’était installée sur la terre jadis si fertile. La civilisation avait disparu sauf quelques groupes humains ici ou là qui survivaient. Les ordinateurs avaient été inutiles, les téléphones portables aussi. Pire, l’information immédiate avait contribué à la destruction de l’humanité en diffusant une panique à l’échelle planétaire : pillages, violences en tous genres. L’homme au lieu de faire face était redevenu une bête !

Un groupe d’hommes rescapés du carnage avaient trouvé refuge dans une vaste caverne. Ils vivaient depuis près de vingt ans de racine et d’un peu d’eau qui suintait des parois. Mais pour combien de temps ? Car l’eau allait tarir et ramasser des racines les exposait aux radiations mortelles !

Au loin dans la plaine on apercevait une grande bâtisse. C’était un vieux château. Les plus anciens du groupe affirmaient qu’un savant un peu fou et ses drôles de machines à remonter le temps vivaient encore dans celui-ci.

Certains vieux affirmaient qu’il fabriquait des aliments et de l’eau pour sa survie et qu’il était capable de reproduire la vie d’avant !

Fitou, un enfant du groupe des survivants avait vu sa mère mourir, son père tué par un autre qui s’était approprié une racine comestible. Fitou savait obscurément que la vie était impossible.

Dans sa tête d’enfant de 12 ans, une idée commença à germer. Et s’il allait voir le savant et le convaincre de revenir à l’ancien temps ! Il lui faudrait au moins deux jours de traversée sans eau, sans nourriture et sous les rayons mortels du soleil !

Au moment de la grande désolation planétaire, les anciens avaient sauvé beaucoup de choses : des livres, des vêtements, des objets divers…

Fitou alla quérir au fond de la caverne qui servait d’entrepôt un chapeau et une grande blouse. Ces vêtements le protègeront du soleil. Il prit aussi un couteau qui lui sera utile pour creuser la terre afin de trouver des racines. Sa décision était prise. Il partirait un soir et marcherait toute la nuit.

Ce n’est que deux jours plus tard que Fitou se décida. Le soir venu, il s’éclipsa de la caverne un baluchon sur le dos. La Lune éclairait de sa pâle lueur la terre encore brûlante. La plaine était nue et pleurait sa végétation d’avant le grand cataclysme. Quelques plantes rampantes, quelques animaux sortant de leurs trous, dans ce désert Fitou marchait pieds nus. Les chaussures devenaient denrées rares malgré quelques stocks ici ou là. Tout avait disparu. Plus d’informatique, plus d’électricité, plus d’usines, plus de terres agricoles… les villes fantômes s’effondraient sous la canicule. Fitou n’avait pas connu la société d’avant, mais les anciens lui avaient raconté et Fitou rêvait. Il rêvait de cascades, de rivières, de fruits, de viande cuite au feu… tandis que ses pieds surchauffés s’abimaient sur les cailloux, Fitou rêvait d’un monde qu’il n’avait pas connu…

Il marchait depuis des heures, fatigué, épuisé, il s’assit à même le sol et de son couteau se mit à le fouiller afin de glaner quelques racines. Sa recherche resta vaine. Résigné Fitou se décida à repartir, le lever du soleil de tarderait plus, la journée à venir ressemblera à une journée d’enfer il en avait conscience.

Dès que l’astre solaire pointa à l’horizon, une chaleur lourde s’abattit sur la terre et les épaules de Fitou. Fitou marchait comme un somnambule, sa chair brûlait. Les rayons mortels de l’astre pénétraient à travers la blouse, le chapeau, mais Fitou continuait. Il n’avait pas le choix !

Au loin se rapprochaient le château et la fin de son calvaire. Tiendrait-il ? Fitou se savait porteur d’espérance pour l’humanité ou tout au moins ce qu’il en restait…

Plus Fitou avançait, plus le château semblait reculer ! Sa tête tournait. Tout son corps souffrait. Sa langue boursouflée lui faisait mal. Ses yeux n’étaient plus que deux fentes qui luttaient afin de rester ouvertes. Fitou titubait, mais avançait. Dans son délire il voyait de l’herbe verte, des prairies, des rivières comme dans les livres d’images. D’infinis paysages se dressaient devant ses yeux. Il rêvait du monde d’avant que ses parents avaient connu. Tous ses muscles se bloquaient. Fitou pensait qu’il allait mourir. Cette idée le soulagea. Soudain ses pieds rencontrèrent une sensation de douceur, d’humidité. Fitou ouvrit les yeux en grand et abasourdit il vit devant lui la demeure du savant. Lorsqu’il baissa les yeux, il s’aperçut qu’il marchait sur un tapis d’herbe verte mouillée : c’était de la rosée ! Mais Fitou ne savait pas ce qu’était la rosée. Un peu plus loin coulait un ruisseau. Une passerelle l’enjambait, il l’emprunta. Il suivit un sentier bordé de grands arbres. L’enfant n’avait jamais vu d’arbres aussi hauts. Il était émerveillé par les feuilles vertes, les bourgeons. Dans les arbres des oiseaux chantaient. Fitou venait de découvrir le paradis terrestre celui que ses parents, ses ancêtres avaient connu. Au bout du chemin, une porte donnait dans la bâtisse. Elle était ouverte. Il entra. Un flot de lumière artificielle éclairait les pièces. Fitou cligna des yeux. Ils n’avaient jamais vu de telles lumières tombant du plafond.

Emerveillé, les yeux écarquillés devant toutes ces merveilles Fitou allait de pièce en pièce. Dans un coin de l’une d’entre elles coulait un filet d’eau. Fitou passa ses mains. Fou de joie il se dévêtit et se mit sous le jet d’eau. Tout son corps ragaillardi découvrait une sensation nouvelle. Sur une étagère un galet blanc était posé, il s’en saisit. Étonné, il s’aperçut que le galet fondait au contact de l’eau en laissant de la mousse odorante qu’il passa sur son corps dénudé. Fitou ne le savait pas, mais il venait de découvrir le savon et de prendre sa première douche !

Soudain il entendit une voix chevrotante derrière lui : « Que fais-tu ici gamin ? » Fitou se retourna et vit un vieil homme ratatiné qui l’observait.

Fitou, bien qu’impressionné par le personnage : cheveux ébouriffés, barbe hirsute, peau ridée, grosse lunette en travers du visage, lui répondit :

-         Je suis venu de ma tribu là-bas dans la grande caverne. J’ai traversé le désert sous le soleil, sans manger ni boire. Je suis venu pour vous demander de sauver la terre.

Sur le visage fané du savant se dessina un sourire.

-         Tu as faim et soif mon enfant, viens suis moi !

L’enfant suivit le vieil homme qui l’amena de l’autre côté de la bâtisse. Ils sortirent. Fitou resta bouche bée devant le spectacle que lui offrait un jardin potager et un verger : des arbres, des fruits jaunes, rouges, verts pendaient des branches. Au sol poussaient des fraises, des tomates…  Fitou ne connaissait ces fruits et légumes que par les images des livres sauvés de la grande désolation.

-         Mange ce que tu veux, lui dit le vieil homme.

Fitou ne le fit pas répéter deux fois. Il combla sa faim, sa soif. Lorsqu’il fut bien repu, le vieil homme reprit :

-         je vais bientôt mourir, je te fais mon héritier. C’est toi qui sauveras la planète, mais à plusieurs conditions.

-         Lesquelles demanda Fitou ?

-         Que l’homme respecte la nature, qu’il respecte les autres et lui-même, qu’il utilise une seule et unique langue et je te montrerai celle que tu leur apprendras : l’esperanto !

-         Oui ! je le ferai clama l’enfant.

Quelques mois plus tard, la terre retrouva son oxygène pur, ses rivières, les prairies redevinrent  vertes. Partout sur la terre desséchée d’infinis paysages se reconstruisaient. Les océans retrouvèrent leurs mers et leurs poissons. Les hommes rescapés de la grande désolation reprirent possession de l’histoire et Fitou les avait mis en garde :

-         Pas de guerre, pas de dieu ni de maître, le partage des mêmes valeurs dans une langue universelle.

Et c’est ainsi que la terre devint un vrai paradis.

 

 



28/03/2015
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