ECRITURES

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MON VOISIN

 

Bonjour, je m’appelle Martine. En fait ce n’est pas mon vrai prénom. Aucune importance pour vous chers lecteurs, chères lectrices, je sais. Mais je n’aimerais pas que l’on me reconnaisse, surtout mes proches. Ce pseudonyme m’offre une sorte de protection, de virginité. Enfin quand je dis virginité le terme n’est guère approprié. Il faut dire que mon récit, celui que je vais vous décrire, est une histoire sensuelle.  Écrire des textes charnels est une respiration, une nécessité. Comme tout être humain, homme ou femme, hétéro ou homo, je rêve la nuit à des scènes osées. Le jour aussi d’ailleurs mes fantasmes construisent un univers dont je suis la seule à frémir, dommage ! Partagé avec mon époux mes songes sensuels, mieux vaut ne pas y penser une seconde. Il ne comprendrait  pas. Ça virilité de mâle en prendrait un coup. À ces yeux, seul un homme peut avoir des fantaisies érotiques et les assouvir. Mon mari s’absente souvent depuis quelques temps. Je le soupçonne de me tromper. Je suis sur qu’il trempe sa plume dans l’encrier de quelques dames de ses connaissances. Il me délaisse. Ce n’est pas fait pour me décevoir, j’y trouve un plaisir personnel. L’écriture en fait partir. Pas n’importe quel récit. Mes nouvelles érotiques, je  les couche sur papier en cachette de mon mari. Je les mets à disposition sur un site internet à la lecture du public, bien sur toujours sous un pseudonyme.

Je vais donc vous raconter ma dernière inspiration. J’espère que cet écrit vous ouvrira la porte d’un autre monde, celui de la sexualité sans tabou, sans la censure religieuse, sans l’hypocrisie de la moralité.

J’avais jeté mon dévolu sur un homme que j’estimais sur le déclin. Moi-même, âgé de la cinquantaine, je voyais mon corps se transformer, s’étioler. Il n’y a rien de grave. Ainsi passe le temps, se courbe nos dos par les ans qui pèsent sur nous. J’avais élaboré une sorte de pièce de théâtre où le premier rôle, celui de l’homme, serait tenu par un voisin. Il ne le savait pas. C’est là tout le sel du scénario : faire partager par un inconnu mon désir érotique. Il ne savait rien de moi, ne me connaissait pas. Je ne savais rien ou si peu de lui. Je ne le connaissais pas. Depuis plusieurs semaines, je surveillais l’objet de mes délires. Il vivait seul dans l’appartement en face du mien. Son immeuble n’avait pas de concierge, on y entrait facilement : démarcheurs, préposé de la poste… ne s’en privaient aucunement. Pas de témoin à craindre lors de ma venue. Je pouvais pénétrer l’immeuble et grimper chez lui, au deuxième étage d’après la boite aux lettres. J’avais mené une enquête policière. Je savais tout de son alimentation pour l’avoir maintes fois suivi dans la supérette. Je l’avais, à son insu, suivi dans ses pérégrinations urbaines. Dans le parc où, tous les jours à la même heure, il se posait sur un banc pour révasser. Dans sa supérette habituelle où il achetait son alimentation. Pendant toutes ses observations, je ne l’avais jamais vu avec une femme. La place était libre !

Je passais aux actes, un samedi vers 10 h. mon mari s’étant absenté pour la fin de semaine. J’étais libre. Mon cœur battait la chamade. Je me traitais de folle, de dévergondée. Où allais-je me fourrer ? Poussé par un besoin insatiable de jouer mon scénario, je n’imaginais pas un refus de celui sur lequel mon écrit tournait. Je grimpais vite les deux étages. Devant sa porte, je pris un instant de réflexion. Le doute s’insinuait. Je mesurais ma démarche. Elle me paraissait saugrenue, provocante. De quelle manière cet homme réagirait-il ? Je prenais un risque. Toute frétillante de l’aventure à venir, je n’hésitais pas.

J’osais.

Je sonnais.

Le timbre résonna dans l’appartement.

Un silence relativement long, répondit à la tonalité. Il était peut-être absent. Puis des pas se firent entendre. Une clef qui cherche le trou de la serrure à pénétrer. Mon héros tremblotait-il ?  La clef tourna dans le pêne.

La porte s’ouvrit.

L’homme se tenait dans l’ouverture de l’huis. Il me regardait interrogateur. Vêtu d’un peignoir dont le haut, mal fermé, laissait entrevoir un ventre bedonnant. Je venais de le réveiller. Faisait-il une matinée grasse ? En regardant de plus près, je vis ces cheveux mouillés. Il sortait de la douche. J’avais interrompue ses ablutions. Je l’imaginais sans peignoir. Une envie irrésistible montait en moi, défaire la ceinture qui tenait le vêtement. Devina-t-il mes pensées ? En tout cas, il recula de quelques pas. Nos regards se croisèrent. Je me sentis rougir. L’élaboration de mon plan ne prévoyait pas qu’il m’ouvrit la porte simplement revêtue d’un peignoir ! Parfois la réalité est plus forte que la fiction.  Je devais l’amadouer, le convaincre, l’informer de mon écrit et lui demander de se conformer au rôle que je lui attribuais. Sur le pas de sa porte, j’attendais. J’espérais un mot qui me permettrait d’introduire ma demande, de lui expliciter mon ébauche. Il pourrait me dire : «  que désirez-vous, madame ? » ou quelque chose dans le genre. Il me scrutait curieusement, ne disait rien.  Paralysée par son attitude indolente, il me fallait réagir. Je devais lui réciter ma nouvelle puisque j’en avais fait le héros de l’histoire. L’homme de mon écrit devait se présenter nu devant moi. Ma nouvelle s’articulait sur sa nudité. C’était presque le cas. Hélas, je devinais sa résistance. Il n’enlevait pas son peignoir. Il devait, une fois dans la tenue d’Adam, se soumettre à mes volontés sans jamais me toucher. Je resterais habillée, seul mon décolleté plongeant offrirait à ses yeux, la vue de ma gorge profonde, bien ferme, aux deux globes attirants. Mes jambes épilées, galbées et soulignées par une mini jupe devaient capter son regard. Il deviendrait tourmenté. Son désir de mon corps se verrait à l’érection de son membre. Je lui demanderais un café. Il me servirait la boisson un peu gêné par son sexe impudique. Je sourirais. Assise les jambes croisées, mes cuisses obnubileraient sa vue. La jupe au minimum laisserait entrevoir la suite. Je n’avais pas de culotte. Il apercevrait ma toison de poils noirs, devinerait la fente. Je me pencherais pour mettre un sucre dans la tasse laissant ma poitrine dégagée à sa vision. En dégustant le breuvage, je regarderais avec ostentation son phallus ce qui, j’en étais sure, le ferait défaillir. Mon café fini, je me lèverais, prendrais congé. Un bisou sur ses joues, une main qui frôle son vit affolé et je le quitterais le laissant seul face à l’explosion de ses sentiments.

J’avais lu dans une revue que toutes les femmes révaient d’une telle situation. Voir l’objet de leur désir à poil  le soumettre au regard puis se moquer de leur envie. Un façon de se venger du mâle dominant, en somme.

Mon récit frisait la provocation. Je prenais un risque. L’homme est un animal. Il peut réagir brutalement. Rien ne semblait vouloir se dérouler comme mon schéma écrit.

Il ne bougeait pas. Il ne disait rien. Son silence m’envahissait, me bloquait. Avec mon calepin à la main, je paraissais incongrue sur le palier. Lui derrière la porte ouverte me dévisageait. Il ne montrait aucune réaction. Le bas de son peignoir restait calme. Il ne bandait pas. Je ressentais de la vexation. C’est tout juste s’il regardait mon corps ! Ma poitrine attirait les mâles habituellement. Mes seins baladeurs sous le chemisier happaient les regards. Sans soutien-gorge, je les laissais vagabonder au gré de mes gestes, de mes pas. Mes cuisses moulées déclenchaient l’incendie.

L’inconnu paraissait indifférent. Devais-je changer mon récit ? Ouvrir mon chemisier et laisser mes mamelons libérés à sa concupiscence ? Perplexe, car je n’avais pas envisagé un tel comportement. Dans mon ébauche, je devais rester habillée, en aucun cas céder aux pulsions sexuelles du personnage, seulement le provoquer. Je n’avais plus le choix. Une main remonta vers le haut du chemisier. Je dégrafai un bouton, puis le deuxième. Le tissu s’écartait laissant entrevoir la forme des seins. Pourtant il restait immobile, indifférent. Il ne remarqua pas mon déshabillage amorcé de mon buste ! J’étais vexée. Le mufle refusait mon scénario. On allait voir ce qu’on allait voir ! Cet imbécile ne gâcherait pas ma nouvelle élaborée depuis plusieurs jours.Mon enquête effectuée depuis plusieurs jour ne tomberait pas à l’eau à cause de l’indifférence de ce salaud. Ce malotru lorsqu’il verra ma poitrine nue sortira de son mépris. Il s’empourprera, tentera une approche. Je dirai non ! Je reprendrai mon récit initial en y ajoutant deux ou trois phrases pas plus. Mes doigts s’attaquèrent au troisième bouton du chemisier. Mes seins gonflés commençaient à laisser entrevoir aréoles et tétons. Soudain un bruit dans l’appartement. Merde ! Me dis-je. J’arrêtai mon geste. Il n’était pas seul. Je n’avais pas imaginé la venue d’une autre femme dans mon scénario. J’avais pourtant bien observé sa vie pendant plusieurs semaines. Il était toujours seul dans ses sorties. Ce type d’apparence insignifiant cachait bien son jeu. Par la fenêtre de mon appartement, j’avais pris soin d’observer sa vie grâce aux jumelles de mon mari. Je n’avais rien vu de particulier. Je ne pouvais pas réécrire tout mon scénario. Mes fantasmes ne concernaient pas le sexe féminin, encore moins un partage à trois. Cet impondérable m’agaça. Je fus sur le pont d’engueuler le type  toujours plongé dans son silence. Je fulminai. Je reboutonnai mon chemisier. Je m’apprêtai à faire demi-tour lorsqu’une troisième personne fit son apparition. Mon visage brûlait. Mes jambes s’entrechoquèrent.

- c’est qui mon amour ?

Je m’effondrai.

Ceint d’une serviette autour de la taille, se tenait un autre homme, à moitié nu lui aussi.

À toute allure je m’éclipsai, dévalant les deux étages. Dehors, je repris mon souffle. L’air me fit du bien. Chez moi, je mettais au propre ma nouvelle tout en rigolant du quiproquo. J’espérais ne jamais croiser ce voisin. Je garderais pour moi le récit sans jamais le mettre en pratique !



16/08/2017
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