ECRITURES

ECRITURES

UNE FLAMME QUI VACILLE !

 

Je marchais sur le pavé de la rue rêvant sans doute sous la lumière printanière d’une marche en foret sur un chemin bordé de fleurs d’églantine. Le pavage disjoint de la rue donnait à ma démarche une allure chaotique, boitillante. La caresse d’un vent doux m’apportait la quiétude. Ce vent léger véhiculait une multitude de pollens qui tel un duvet chutait du ciel en virevoltant sur la tête. Poursuivre ma route et chanter semblaient être ma seule raison du jour.

 

Soudain, je me mis à tousser. Une odeur de poivre montait de la rue que j’allais empruntée. Le picotement me força à cligner des yeux. Devant moi le spectacle que j’aperçus n’avait rien de bucolique : des casques et des matraques ainsi que les flashs de grenades lacrymogènes qui explosaient sur le sol. Je vis des policiers courir sus après des manifestants. J’entendis des hurlements. On arrachait des mains manifestantes les drapeaux tibétains mais curieusement les policiers laissaient tranquille les porteurs d’étendards chinois. Dans la patrie des droits de l’homme, la police prend toujours fait et cause pour les dictatures. Cela me remémorait mes manifestations contre la dictature chilienne, celle contre l’argentine ou l’apartheid. Quelque soit le continent, les porteurs uniformes sont partout les mêmes.

J’ai écris sur ce sujet un poème. Celui-ci m’a valu les foudres de quelques directeurs de revues et leur censure :

N.T.M.

 

Pour quelques mots de trop qui semèrent la peur

Le voilà prisonnier, au pays de Voltaire

Dans la France des droits, la justice est primaire.

Pour le verdict rendu, grande fut la clameur !

 

Un procès de Moscou pour un simple rappeur

Qui d’un monde uniforme et triste est réfractaire !

Il a dit ce qu’il pense, il faut le faire taire

Décida brusquement monsieur le procureur…

 

La police française à l’ouvrage a du cœur,

Lorsqu’il faut tabasser le pauvre prolétaire

Qui lutte bien souvent pour un maigre salaire,

Mais on ne la voit pas courir sus au casseur…

 

Elle fait son devoir et frappe le chômeur,

Et tous les sans papiers, le passant solidaire

Ou le sans domicile : ah ! Le beau savoir faire,

Souviens t-en mon ami qui des mots est jongleur !

 

Et souvenons-nous donc de cette belle ardeur

Des magistrats et flics devenus caudataires

De l’État de Vichy, puis parfois les sicaires

De l’armée allemande : et tais toi donc chanteur !

 

Car parler du Vel d’Hiv est soumis au censeur,

Charonne sent toujours les fourgons cellulaires

La fureur et la mort par des crimes sommaires

Sur l’ordre d’un préfet ex-collaborateur !

 

Toi l’humble troubadour devient donc flagorneur,

Fait plaisir au bon goût de nos folliculaires,

De la pensée unique de leurs hebdomadaires

Dont le but est de plaire au maître suborneur !

 

 

 Curieusement nos policiers semblaient trier d’instinct le bon grain de l’ivraie. Seul les tibétains et les défenseurs des droits de l’homme prenaient des coups. Pourtant les trottoirs étaient envahis par des yeux bridés venus de Corée, du Japon, de Chine.  Ils se ressemblaient tous. Alors comment faisaient nos policiers ? Dans les commissariats ils avaient du recevoir des cours condensés du petit livre rouge car nos policiers étaient, en quelques jours, devenus maoïstes et supplétifs de la police chinoise. Dommage que Confucius fut oublié dans cette approche.

J’ai toujours rêvé de ces pays lointains : l’Indochine, la Chine… Petit déjà en écoutant la station R.T.L au poste à lampes de mes parents, j’étais subjugué par le refrain d’une chanson : nuits de chine, nuits câlines, nuits d’amour… je ne sais plus la suite ni qui chantais mais cette chanson avait fait voguer mon âme romantique vers la mer de Chine.

Ah ! Les chinoises, les indochinoises avaient caressées mes songes érotiques d’adolescents. Pourtant dans la rue la tendresse semblait avoir laissé place à l’invective, l’intolérance et la haine. Adieu nuits d’ivresses et chinoiseries diverses, ce jour, l’amour disparaissait des cœurs.

Je n’ai jamais posé les pieds dans ces pays. Pourquoi aller chez eux puisqu’ils venaient à nous tous ces déracinés de l’effondrement de notre empire colonial et tous ces chinois fuyant Mao et sa clique de malades.

Aujourd’hui, ils s’étaient tous donné rendez-vous sur les trottoirs de la capitale. J’avais le choix. Les filles paraissaient les plus excitées et les slogans qu’elles vociféraient n’avaient rien de très poétiques.

La flamme olympique passait dans la rue portée par un marathonien encadré d’une flopée de policiers. Tout le monde courait. Je n’ai jamais vu autant de sportif que ce jour là ! Certains mêmes tentaient d’arracher les matraques comme des coureurs prennent le relais de leurs coéquipiers.

Une frénésie sportive paraissait embraser notre pays : des grimpeurs escaladaient la tour Eiffel afin de planter un drapeau tibétain, d’autres s’exerçaient au lancement du poids en utilisant des pavés. Le rugby avait ses adeptes et je vis des  mêlées spontanées qui opposaient manifestants et l’équipe adverse en bleu de chauffe...

Un élu vert se débattait sous le poids de trois ou quatre C.R.S. tout en hurlant : vive le Tibet libre. Il prenait des coups, se retrouvait à terre. Pourquoi ? Il y a quelques années le général De Gaulle avait crié : vive le Québec libre. Aucun C.R.S ne l’avait roué de coups. Il est vrai que la différence est grande entre un général et un simple soldat. Si tous les généraux se faisaient tabassés, il n’y aurait plus de guerre et donc pas de problème au Tibet et nos C.R.S. s’ennuieraient a moins qu’ils ne se rendent utiles dans les cités de la peur.

Au moment même où je cogitais ces réflexions, je reçus un coup de matraque. Mais là c’était normal, j’ai les cheveux longs donc j’étais pour le moins tibétain.

Échaudé, un peu sonné je pris une autre rue plus calme et me rendis place de l’Opéra pour la manif de soutien à Ingrid Betancourt. La police se faisait discrète et nos sportifs, hommes politiques, intellectuels et artistes pouvaient vociférer en toute tranquillité. L’endroit paraissait moins agité, les FARCS n’avaient pas encore quittées leur jungle intellectuelle pour envahir les rue de Paris.



13/06/2008
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